• Petit debunk

     

    Suite à la lecture d'un article paru sur le site neuropedagogie.com, totalement contraire à ce que je pense sur le sujet des violences dites éducatives, j'ai décidé de publier pour la première fois une réponse publique.

    Pour d'avantage de clarté, je vais suivre la trame de l'article, et répondre point par point, en reprenant les sous-titres de l'article original. Contrairement à l'auteur de l'article, Pascal Roulois, je vais sourcer toutes mes affirmations, avec des liens directs, ou des  références bibliographiques précises.

     

    Réponse à l'article " Interdiction de la fessée en Suède : les conséquences "

    Introduction 

    Pascal Roulois prend pour source le Comité Nordique des Droits Humains ( dont l'anagramme français serait donc CNDH, et non CNHR ), association crée par une juriste Jamaïcaine favorable aux châtiments corporels, très marginale en Suède 2.

    Pascal Roulois affirme que le  CNDH sonne l'alarme concernant le placement de milliers d'enfants en Suède, et dans d'autres pays Scandinaves. Or, après vérification, il s'avère que selon les derniers chiffres légaux français, le taux de placement est moins important en Suède, qu'en France 3 (entre 5 et 7 pour mille pour la France, contre entre 1.5 et 3 pour mille pour la Suède). La loi d'interdiction des châtiments corporels est appliquée de manière rigoureuse en Suède, pour le bien-être de l'enfant. Si le taux de placement est moindre dans ce pays que dans le nôtre, une explication devient évidente : les enfants Suédois sont moins souvent en danger que les enfants Français, car la loi les protège.

    Dans la suite de l'introduction, Pascal Roulois prétend que les enfants placés dans des familles sont "battus et subissent des abus sexuels". Le seul article que j'ai trouvé sur le sujet 4 relate effectivement des témoignages effrayants sur les horreurs sans noms qu'ont subi les enfants placés en Suède... entre 1950 et 1980 ! Soit avant l'application de la loi, ou pendant la première année de sa mise en place. Laisser planer ainsi l'idée que ce genre d'abus est encore d'actualité en Suède est au mieux un mensonge par omission, sinon de la malhonnêteté intellectuelle... 

    A la fin de l'introduction, l'auteur avance le chiffre plus qu'improbable de "1200 euros par JOUR" comme revenu pour les familles d'accueil. (Une source peut-être? ). Après vérification, les placements  en attente de procédure sont onéreux, mais également courts,  je n'ai pas trouvé de montant exact.

     

    Le fonctionnement de la loi LVU : des textes à la réalité

     

    Pascal Roulois explique que la loi de protection de l'enfance (LVU) a été votée "contre l'assentiment du peuple Suédois", et .... il a raison, pour une fois. Cependant, j'aimerais lui rappeler quelques lois votées en France contre la majorité populaire : le droit à la contraception, le droit à l'avortement, l'abolition de la peine de mort, le mariage pour tous, l'abolition de l'esclavage...

    Ensuite, il affirme que la loi ne fait pas l'unanimité. Aucune loi ne fait l'unanimité, monsieur Roulois. Si la loi est passée en 1979 avec plus de 60% d'opposants, 92% aujourd'hui l'approuvent 5 et 2.

    Il prend comme source Marianne Haslev, linguiste universitaire, qui s'intéresse donc aussi aux droits des enfants. Sur son article consacré aux résultats de la loi LVU 6, dès le second paragraphe, elle rappelle que de toute façon, la plupart des morts d'enfants sont causées par des causes extérieures à la violence et maltraitance des parents. Son article est donc clairement orienté : la protection de l'enfance n'est pas une cause majeure pour elle, certainement parce qu'elle a la chance de ne pas vivre dans un pays où deux enfants meurent chaque jour de maltraitance...

     

    Il cite ensuite Jenny Beltran, qui s'offusque qu'il suffise d'un moindre risque  pour que l'enfant soit retiré. Donc, pour cette avocate, il est anormal que dans le doute, la sécurité de l'enfant prime avant le reste?

    Pascal Roulois, par un détournement des propos de l'avocate, en arrive donc à la conclusion que "Il suffit qu'un travailleur social fasse un rapport au conseil social pour que l'enfant soit retiré à sa famille et placé".  Or, après recherches, la loi LVU fonctionne comme ceci 7 : 

    • un signalement est fait, de manière anonyme ou non, par un particulier, ou une structure (école, jardin d'enfants...)
    • le service social fait une "estimation préalable", c'est-à-dire qu'il examine le sérieux, la pertinence, et l'utilité de la dénonciation.
    • si la dénonciation est reconnue comme pouvant être fiable une enquête est déclenchée
    • l'enquête se fait en écoutant au moins l'enfant et les parents, parfois plus de personnes (instituteurs, voisins...). Le jeune concerné peut intervenir dans les discussions et avoir un conseiller  qui sera sa voix juridique lors de l'enquête.
    • si l'enfant est en situation de danger, il peut y avoir placement (mesure plus rare qu'en France)

    Nous sommes bien loin de l'affirmation de Pascal Roulois...

    Réponse à l'article " Interdiction de la fessée en Suède : les conséquences "

     

    Il affirme ensuite que 15 000 à 20 000 enfants sont retirés à leurs parents. Passons outre qu'il n'y ait aucune source une fois encore... En 2003, en France (derniers chiffres disponibles), il y avait 264 838 enfants  placés3. En Suède, il y a donc un taux de placement de 0.002% (en prenant l'estimation la plus haute), contre 0.003% en France. Nouvelle preuve de l'efficacité de la loi qui protège efficacement les enfants... en Suède, bien sûr ! 

     

    Une violence contre les enfants en augmentation

     

    Pascal Roulois nous met en garde : "En réalité, sans étude approfondie, il est impossible de conclure quoi que ce soit"(comme le prouve votre titre, vous appliquez à vous même vos recommandations..).

    Il explique ensuite que "la presse suédoise, à l'instar du Gothenburg Post relate parfois des faits de violence contre les enfants". Les seuls exemples de presse signalant des faits de violence sur les enfants datent de 17 ans !

    Réponse à l'article " Interdiction de la fessée en Suède : les conséquences "

    Pascal Roulois affirme " les faits relatés par la presse suédoise contredisent les affirmations des activistes selon lesquelles la mortalité infantile suite aux maltraitances familiales aurait diminué en Suède après l'adoption de la loi LVU.  Mais un article de presse n'est pas une étude scientifique." (Effectivement, merci de le préciser).

    Et dans les pays où les châtiments corporels sont autorisés, il n'y a pas de violences commises contre les enfants? Le fait est qu'il y en a moins dans les pays abolitionnistes, ce qu'il passe habilement (ou pas) sous silence. En France entre 700 et 800 enfants par an meurent de maltraitance, en Suède, enre deux et trois enfants ont subi ce triste sort par an ces derniers 24 ans8

    Il est ensuite expliqué que les parents maltraitants menacent leurs enfants de la séparation s'ils osent dénoncer les actes dont ils sont victimes. Tous les parents maltraitants menacent les enfants de représailles s'ils parlent, que ce soit dans un pays abolitionniste ou non.

     Il s'appuie aussi sur le bilan innocenti de l'UNICEF pour étayer son hypothèse selon laquelle la maltraitance n'a pas baissé chez les 7 pays abolitionnistes que chez les autres. Outre le fait que 13 pays avaient aboli les châtiments corporels 9, et non pas 7, la violence sur les enfants a bien baissé en Suède 10 page26 , passant de 50% à 10% en 20 ans. La question se pose de savoir si Pascal Roulois a réellement lu les liens proposés...

    Réponse à l'article " Interdiction de la fessée en Suède : les conséquences "

    Des adultes désemparés

     

    Pascal Roulois cite trois "experts"

    • Frank Furedi (défendeur de Sarah Palin, anti-écologiste notoire). Pascal Roulois renvoie son lecteur à un article de Furedi qui présente la société Suédoise comme génératrice de monstres. Pascal Roulois oublie le fait que Furedi  prétend que toute politique de protection de l'enfance nuit à l'éducation.
    • Gudrun Ekstrand, aucune qualification quelconque connue, elle a écrit un article, relayé par monsieur Roulois, dans lequel elle donne des chiffres, son avis, mais aucune source (un peu comme l'article dont il est question ici...)
    • David Eberhard, qui dans le livre cité s'offusque que les parents écoutent trop leurs enfants...

     

    En résumé, une partie de l'article très partiale, peu documentée.

     

    Une augmentation de la violence juvénile

     

    Pour résumer rapidement cette partie, Pascal Roulois soutient le fait que la violence juvénile explose chez les jeunes éduqués sans violence(+600%), et que des chercheurs Britanniques (qui? quand? on ne saura pas, toujours pas de sources...) soutiennent mordicus que l'Angleterre ne peut pas se permettre de multiplier par 6 (par 7, plutôt, non, monsieur Roulois?) son taux de délinquance (quel pays le peut?). Ensuite, il fait marche arrière, en expliquant que depuis 2008, la délinquance n'a plus augmentée, sauf pour les violences contre les personnes. Il prétend que les études ne sont pas fiables et servent à manipuler l'opinion publique.

    Cependant, les statistiques, Pascal Roulois s'en sert, sans les sourcer, certes, mais il avance des chiffres. 

    Voici des chiffres et des faits 11 12 13 : 

    • baisse de 9.4% des vols entre 2008 et 2013
    • baisse de 6% des atteintes à l'intégrité physique d'une personne
    • baisse de 6.2% des vols avec violence
    • le taux de criminalité est dans la moyenne des pays de l'OCDE
    • la Suède ferme ses prisons par manque de détenus
    • le sentiment d'insécurité y est l'un des plus bas d'Europe

     

    Les effets de la séparation des enfants d'avec leur familles

     

    La faute d'orthographe du titre est d'origine, j'ai choisi de la conserver pour que l'on ne m'accuse pas de modifier l'article de Pascal Roulois...

    Comme le titre l'indique, cette partie est consacrée aux effets négatifs engendrés par la séparation des familles. Outre le fait que personne ne le nie et que (encore une fois) la Suède a moins de placements d'enfants que la France, les enfants ne sont pas placés pour rien. Ils ne sont séparés de leurs familles que lorsque les conditions l'exigent. C'est-à-dire lorsque le risque du maintien dans la famille est plus dangereux que les effets de la séparation.

     

     

    Les faiblesses relatives à toutes les études scientifiques

     

    L'auteur de l'article dit que l'APA (American Psychologie Association) reconnaît que la fessée n'est pas une bonne méthode éducative, mais qu'il y a trop de biais dans les sciences humaines(que Pascal Roulois appelle "sciences molles" terme déjà obsolète lors du début de mes études de sociologie au début des années 2000) qui peuvent infirmer ce propos.

    Laissons donc de côté les sciences humaines pour se diriger vers les neurosciences.

    Catherine Gueguen, dans "pour une enfance heureuse" a prouvé la dangerosité et l'inefficacité des châtiments corporels. Pourquoi en faire l'impasse? Comment, après trois jours de recherche (selon ses dires), peut-on passer à côté de la référence absolue en neurosciences sur le sujet?

    Réponse à l'article " Interdiction de la fessée en Suède : les conséquences "

     

    Le rôle des activistes

     

    Pascal Roulois commence cette partie sur une citation, dont voici un extrait "l'importance de consulter les sources originales, de ne pas se reposer sur les média ou les sources secondaires lorsqu'on étudie la Science".

    Mais il s'avère que cette mise en garde est surtout une description de son article... Il ne cite aucun neuro scientifique, aucune source nuancée, énonce des théories comme des vérités qui font consensus. 

     

     

    Ma conclusion (la mienne à moi, pas la sienne à lui)

     

    De l'impartialité...

    Tout au long de son "article", Pascal Roulois nous donne une image de la Suède qui frise la dystopie : état policier, régenté par un système contre lequel personne ne peut lutter, parents et enfants, pris au piège dans un pays qui veut les séparer. Voici quelques exemples de ces affirmations (liste non-exhaustive...)

     Il prétend  que de nombreux parents se sont vus privés du droit de garde de leurs enfants parce qu'ils n'avaient pas assez d'argent pour leur donner un repas équilibré, ou que les enfants étaient harcelés, ou parce qu'ils ont fumé un joint. Il affirme ensuite que les minorités ethniques sont la cible des services sociaux. Il explique que les enfants retirés ne peuvent plus avoir de contacts avec leurs parents. Il prétend que les enfants placés meurent de maltraitance dans les familles d'accueil. Toujours aucune source, aucun exemple précis à décortiquer,  aucun lien, aucune vérification possible... 

     

    ... à la calomnie

    J'ai volontairement tronqué ses propos accusant les activistes de la partie qui leur est dédiée pour y revenir lors de ma conclusion.

    Pascal Roulois accuse les activistes de vouloir détruire la famille, car en empêchant les adultes d'éduquer leurs enfants, la fonction d'éducation sera assurée par l'Etat. Passons sur le côté "complot de l'extrême" pour aller au coeur du propos : s'il confond éduquer et frapper, l'heure est peut-être venue pour lui de remettre en question ses croyances. La violence n'a rien à voir avec l'autorité. La peur n'est pas synonyme de respect. Ne pas recourir à la violence ne signifie pas être laxiste en matière d'éducation.

    L'auteur de l'article rappelle également la différence entre maltraitance et fessée. Qu'il se rassure sur notre capacité à nuancer : nous la voyons aussi. Tout le monde est opposé à la maltraitance, mais peu s'offusquent des VEO. Nous combattons les deux, car la violence dite "éducative" est le terreau sur lequel germe la maltraitance.

     

     

    Un peu de douceur dans ce monde

    Pour finir, une petite citation, tirée du livre "la fessée", d'Olivier Maurel

    "Frapper, c'est renier l'enfant qu'on porte encore en soi. C'est se détourner de sa souffrance qui n'a jamais pu être prise au sérieux. C'est se moquer de notre souffrance, de nos peurs d'enfants. C'est regarder ces pleurs avec le regard supérieur de l'adulte  persuadé qu'il a parfaitement le droit de frapper un enfant. C'est s'amputer de toute une part de soi-même, de ce qu'on a de plus précieux : ses premières émotions."

    Réponse à l'article " Interdiction de la fessée en Suède : les conséquences "

     

    Sources : 

    https://neuropedagogie.com/education/fessee-suede-consequences.html

    http://www.rts.ch/play/tv/mise-au-point/video/suede-le-pays-sans-fessee?id=494585 (à partir de 39'10'')

    http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027778871

    http://www.liberation.fr/planete/2007/10/25/la-suede-ecoute-enfin-l-enfer-des-enfants-places_104633

    http://enfantsdelavenir.org/loi-contre-la-fessee-les-enseignements-du-cas-suedois

    http://www.mhskanland.net/page45/page307/page307.html

    http://enfantsdelavenir.org/loi-contre-la-fessee-les-enseignements-du-cas-suedois

    https://www.raddabarnen.se/

    http://www.oveo.org/liste-actualisee-des-pays-abolitionnistes/

    10 http://www.unicef-irc.org/publications/pdf/rc_maltreatment_fre.pdf

    11 http://www.inhesj.fr/sites/default/files/files/ondrp_ra_2014/ft_pays_nordique_cr2_0.pdf

    12http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fwww.oecdbetterlifeindex.org%2Ffr%2Ftopics%2Fsecurite%2F

    13 http://www.lefigaro.fr/international/2013/11/12/01003-20131112ARTFIG00632-la-suede-ferme-des-prisons-faute-de-detenus.php

     


    20 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique